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Sénart, le serpent de terre en forme de ville nouvelle ?

Sénart, ville nouvelle lancée au début des années 1970, sous le régime exceptionnel d’Opération d’Intérêt National (OIN) continue de s’étendre bon an, mal an. Dans ce but, plusieurs centaines d’hectares de terres agricoles ont été achetées par l’Etablissement Public d’Aménagement (EPA) Sénart, à cheval sur les communes de Seine-et-Marne et de la rive droite de l’Essonne. Ces terres sont provisoirement louées à titre précaire à des agriculteurs de grande culture, payant un loyer (moins cher) à l’EPA, en l’attente de la réalisation des projets d’urbanisme planifiés par l’EPA Sénart. Progressivement, elles ont été utilisées pour implanter de grandes zones logistiques (Parc A5 à Moissy-Cramayel), commerciales (Carré Sénart) ou de grands programmes de logements. Un tissu urbain extensif a ainsi proliféré autour des anciens bourgs. Savigny-le-Temple par exemple est passé de 900 habitants au démarrage de la ville nouvelle à plus de trente mille aujourd’hui.

Les créations locales d’emplois et les transports publics sont insuffisants pour les besoins de la population de Sénart.

Pourtant les constructions de logements se poursuivent à un rythme soutenu, dont le dernier en date, la Zone d’Aménagement concerté (ZAC) de Saint Pierre du Perray, qui prévoit 1270 logements à proximité de la forêt de Rougeau et de l’Allée Royale. Les habitants de St Pierre et des communes voisines se mobilisent pour contester ce projet.

La pétition qu’ils ont lancée a recueilli à ce jour plus de 37 000 signatures :

https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/stop-betonisationexcessive-

nos-territoires-projet/108207

Notre collectif GPSE a écrit mi-novembre aux décideurs de Sénart, EPA Sénart et Agglomération Grand Paris Sud, pour exprimer son opposition à la poursuite de l’urbanisation tous azimuts et demande un moratoire des constructions de logements.

Ci-dessous une version allégée de notre courrier (La lettre complète est sur notre site : http://gpse.e-monsite.com/)

 

Grand Paris Sud Eco citoyen [Collectif associatif]

Le 12 novembre 2020

Mme Aude Debreil,

Directrice de l’Etablissement Public d’Aménagement de Sénart

M. Michel Bisson Président de Grand Paris Sud

Mme Marie Line Pichery Présidente de l’EPA de Sénart

Mesdames, Monsieur,

Nous nous adressons à vous à propos du projet de la ZAC de Villeray à Saint Pierre du Perray, qui prévoit la construction de 1270 nouveaux logements sur des terres agricoles (près de 37 ha) appartenant à l’OIN de Sénart. Nous voulons vous faire part de questions, d’observations, voire certaines oppositions au sujet de ce projet :

- Nous nous interrogeons sur la compatibilité d’un tel projet avec la circulaire interministérielle du 29 juillet 2019 portant « instruction du gouvernement relative à l’engagement de l’Etat en faveur d’une gestion économe de l’espace », selon le principe de « zéro artificialisation nette » annoncé par le Président de la République.

Ce principe figure aussi dans les objectifs de la Convention citoyenne pour le climat

(Objectif SL 3). Le projet de la ZAC de Villeray ne nous semble pas conforme à ces recommandations, même si par avance, l’EPA croit pouvoir résoudre ce problème par l’application du « triptyque » densité-compacité-hauteur comme indiqué (page

40) dans son rapport « Aménager le péri-métropolitain durable ». La priorité donnée dans ce projet aux logements collectifs n’empêche pas en effet la consommation de près de 37 ha de terres agricoles considérées comme d’excellente qualité (selon le rapport présenté à la Commission Départementale de Préservation des Espaces Naturels Agricoles et Forestiers (CDPENAF) de l’Essonne du 6 novembre dernier)

/.../

Certes nous ne méconnaissons pas la mission de l’EPA Sénart qui est de construire du logement dans le cadre organisé de l’OIN ville nouvelle de Sénart, avec un objectif confirmé de 1000 logements par ans pendant 15 ans, selon le Contrat territorial signé en 2013 entre les SAN de Sénart et l’Etat. Mais justement, il nous semble que cet objectif inscrit il y a déjà 7 ans dans ce contrat, et qui n’avait pas fait l’unanimité des communes de Sénart à l’époque, mérite d’être revu à la lumière de l’évolution actuelle de la ville nouvelle, loin d’être harmonieuse, et des besoins de ses habitants :

  • Malgré la réalisation du tronçon TZEN 1 entre les gares de Corbeil et Lieusaint- Moissy, les problèmes de transports ont perduré dans la mesure où les flux de voyageurs ainsi drainés, se sont ensuite retrouvés prisonniers des goulots d’étranglement de la ligne D du RER, du côté d’Evry ou de Melun, engendrés par l’insuffisance des sillons SNCF disponibles et la vétusté du matériel/…/
  • Les 3 à 4000 nouveaux habitants prévus dans le projet de ZAC de Villeray ne feront que venir grossir ce flux de voyageurs dans les conditions actuelles insatisfaisantes. Il ne faut pas compter non plus sur les voies de communication routières, Pont de Corbeil, Pont de la francilienne qui connaissent déjà régulièrement de nombreux pics de saturation.
  • Une augmentation intensive de la population de Sénart serait plus supportable si les emplois disponibles étaient en nombre suffisant sur son territoire pour absorber cette croissance, mais ce n’est pas le cas. Certes, depuis la connexion établie entre l’autoroute A5 et l’A6 via la Francilienne, le ratio emploi/habitant de Sénart s’est amélioré mais il est encore très insuffisant pour permettre la fixation sur place d’un assez grand nombre d’actifs. La priorité retenue (par l’EPA et les ex-SAN) il y a 20 ans au développement de la grande logistique, facilitée par la proximité des grandes voies de communication, n’a pas permis d’améliorer significativement cet état de fait
  • /…/ L’accueil récent d’activités industrielles (Yris Oyama, Elcimaï, etc.) est de meilleure augure mais loin encore d’être à la hauteur des besoins du territoire en emplois.
  • La pression de l’urbanisation sur l’environnement naturel du territoire de Sénart se renforce. Les corridors de déplacement de la faune, la biodiversité et la protection des espèces sont de plus en plus menacés par le nombre croissant de routes, constructions diverses, drainages artificiels qui maillent petit à petit le terrain /.../Une des conséquences néfastes de l’urbanisation intensive est la désorganisation du réseau hydrologique. Malgré les nombreux bassins artificiels de retenue créés par l’EPA, les drainages perturbés se déversent là où ils le peuvent et provoquent régulièrement des inondations en direction du versant de la Seine et des rus affluents.
  • Parmi les terres de Sénart consommées massivement pour la construction de logements et d’activités, peu ont été réservées pour les besoins alimentaires de sa population, à quelques exceptions près (cueillette de Servigny…) c’est la grande culture qui prédomine toujours. Pourtant, le Projet de Territoire adopté par Grand Paris Sud en 2016 lors de sa création, dont fait partie le territoire de Sénart, fixait un objectif ambitieux d’autonomie alimentaire du territoire. Nous en sommes encore très loin et nous ne voyons pas de volonté et surtout d’actes d’ampleur de la part de l’Agglomération et de l’EPA pour permettre les conditions proches d’une telle  autonomie. Il est pourtant nécessaire de sanctuariser une partie significative des terres disponibles si l’on veut vraiment atteindre à terme cet objectif. Les habitants de Sénart et de l’Agglomération y sont prêts, ils sont demandeurs comme cela a été illustré lors de la première période de confinement.

- Le développement du territoire de Sénart reste donc fortement déséquilibré, malgré les adaptations successives réalisées, la pression urbanistique continue à s’exercer. C’est pourquoi nous considérons que cette pression doit être allégée pour permettre au territoire de « souffler » et de choisir d’autres voies de développement. Pour cela, il faut d’abord limiter la construction de logements nouveaux. L’objectif prioritaire de 1000 logements par an n’est pas tenable pour un développement soutenable du territoire de Sénart. Certes, les petites pastilles du SDRIF flèchent une grande partie de Sénart dans le sens de l’urbanisation, les PLU lui ont grand ouvert la porte, mais désormais la pause s’impose ! Le Contrat territorial passé en 2013 par Sénart et l’Etat doit être revu et corrigé, le SCOT de Grand Paris Sud en préparation doit intégrer fortement cette demande d’équilibre territorial.

- Rien ne se fera de bon par ailleurs si la population de Sénart n’est pas largement associée à la réflexion sur l’évolution du territoire. Il faut sortir de l’entre soi techniciens et élus et donner les moyens aux habitants de déterminer en connaissance de cause le type de développement qu’ils souhaitent pour le lieu où ils habitent, travaillent ou souhaiteraient travailler, se former, etc.

Nous vous demandons de tenir compte de leurs attentes s’exprimant par le biais de pétitions et de propositions alternatives. Quelle que soit la forme retenue, Convention citoyenne territoriale, Etats généraux de l’Agglomération, ou autres, la démocratie participative est le passage obligé pour un territoire pour et avec ses habitants.

- Vous comprendrez donc, Madame la directrice, Madame la présidente, Monsieur le président, que le moins que nous puissions vous demander dans cet état d’esprit est de remettre l’ouvrage sur le métier et sursoir à la réalisation des projets d’urbanisation en cours, à commencer par celui de la ZAC de Villeray, un cas parmi d’autres, mais un excellent cas d’école !

Notre collectif Grand Paris Sud Ecocitoyen se tient à votre disposition pour l’avenir de Sénart.

Pour le collectif Grand Paris Sud Ecocitoyen

Jean-François Dupont