Sénart, le fantôme d’une ville nouvelle …

Au début, il n’y a rien, ni immeubles, ni francilienne, ni autoroute, même pas de gare entre Moissy et Cesson. Ou plutôt si : la plaine céréalière et betteravière briarde et De Gaulle en 1961, disant à Paul Delouvrier « Mettez-moi de l’ordre dans tout ce bordel »…Le délégué général du nouveau District de la Région de Paris se met au travail, et en une décennie, le périphérique est achevé, le RER est lancé ainsi que les villes nouvelles.

Le 15 octobre 1973 : l'Etablissement public d'aménagement de Melun-Sénart (EPAMS), qui aménage et développe le territoire, est créé, de même que les trois syndicats communautaires d'aménagement (SCA) qui constituent la ville nouvelle :

Grand-Melun, sept communes de Seine-et-Marne (Cesson, Le Mée-sur-Seine, Melun, Nandy, Savigny-le-Temple, Seine-Port et Vert-Saint-Denis) ;

Sénart-Villeneuve, quatre communes de Seine-et-Marne (Combs-la-Ville, Lieusaint, Moissy-Cramayel et Réau) ;

Rougeau-Sénart, sept communes de l'Essonne (Étiolles, Morsang-sur-Seine, Soisy-sur-Seine, Saint-Germain-lès-Corbeil, Saint-Pierre-du-Perray, Saintry-sur-Seine et Tigery).

En 1984, les trois SCA sont remplacés par deux syndicats d'agglomération nouvelle (SAN) nouvellement créés :

Sénart-Ville Nouvelle, en Seine-et-Marne, qui regroupe Grand-Melun et Sénart-Villeneuve (sauf les trois communes qui quittent la structure, Le Mée-sur-Seine, Melun et Seine-Port) ;

Rougeau-Sénart, dans l'Essonne, qui ne comprend plus que Saint-Pierre-du-Perray et Tigery (les cinq autres communes, Étiolles, Morsang-sur-Seine, Soisy-sur-Seine, Saint-Germain-lès-Corbeil et Saintry-sur-Seine, ayant quitté la structure). Saintry-sur-Seine et Morsang réintègrent en 2003.

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Les programmes immobiliers de logements démarrent et s’étendent au milieu des années 70, sur les vastes terres agricoles préemptées par l’Etat dans le cadre de l’Opération d’Intérêt National (OIN) de la ville nouvelle, accueillant aussi bien les familles avec enfants en recherche d’espace que les populations de Paris et banlieues, exfiltrées pour cause de rénovation de quartiers anciens.

C’est d’abord un bouleversement démographique : les petits villages ruraux sont progressivement enserrés par un maillage dense de zones pavillonnaires et immeubles collectifs.

1968

2017

Sénart Ville nouvelle

16 112 habitants

109 456 habitants

Sénart en Essonne

3 151

20 457

Total

19 263

129 913

La plus importante des communes de Sénart, Savigny-le-Temple, qui comptait 828 habitants en 1968, 2881 habitants en 1975, fait partie depuis 2020 du petit groupe de communes se Seine-et-Marne ayant dépassé les 30 000 habitants. La gare a été ouverte le 31 juillet 1976 sous le nom de Savigny - Bois d'Arqueuil.

Au début, une certaine utopie prévaut : comme la ville nouvelle part d’une feuille blanche, tout est possible en théorie. En 1974, première campagne de communication de l’EPA « Melun Sénart, ville verte », qui met l’accent sur la « ville à la campagne », la ville nouvelle proche des forêts de Rougeau et de Bréviande, dispose encore de vastes espaces naturels. En fait, l’appétit et l’état d’esprit des promoteurs, ainsi que de nombre d’élus, font que l’urbanisation de Sénart reste dans le schéma classique d’alignement de logements. La structuration de la ville nouvelle peine à s’extraire de cette dimension. En 1981, l’architecte Roland Castro, lui aussi amateur de tour d’hélicoptère avec le président Mitterrand, lance le village solaire à Nandy, qui restera, hélas, un exemple isolé.

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Après la période des « pionniers », arrive celle des grands projets urbains réputés structurants.

En 1991 Le gouvernement Rocard choisit Sénart pour l’implantation du Grand Stade de football. Une gare TGV et une liaison RER Corbeil/Sénart est envisagée. Mais en 1993, volte-face du gouvernement Balladur qui donne la préférence à Saint-Denis.

17 05

Sénart se désenclave ensuite très progressivement :

- 1990, mise en service de la Francilienne ;

- 1994, ouverture du tronçon autoroutier A5b

- 1995, ouverture de l’autoroute A5A et raccordement de l’autoroute A5 à la Francilienne

Ce désenclavement routier ne supprime pas les bouchons, il les reconstitue par ailleurs, comme en témoigne chaque matin l’encombrement entre le Pont sur la Seine à Corbeil et le raccord entre la francilienne et l’A5.

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Priorité étant donnée à la voiture, le désenclavement des transports en commun est plus tardif :

- 1995, ouverture du tunnel gare de Lyon/ Châtelet ;

- 2007, bus Citalien entre Sénart et Melun ;

- 2011, mise en service Tzen entre gares RER Corbeil et Lieusaint ;

- 2011, Réseau Ferré de France choisit Sénart pour un éventuelle une seconde gare TGV avec Orly.

L’offre commerciale se transforme complètement, en 2002 l’ouverture du centre commercial Carré Sénart (aujourd’hui Carré Sénart Westfield) et en 2007 le Shopping Park voisin aspirent les habitants de Sénart et d’ailleurs, au risque de provoquer des goulots d’étranglement les jours de gros achats, et d’assécher les zones de chalandise de proximité construites dans les années 70/80 dans les quartiers. Le Carré Sénart lui-même, incorporant le Théâtre, le siège du SAN de Sénart et d’autres services publics, prétend faire office de centre-ville, demeuré jusque-là inexistant.

En 2013, le Contrat de développement territorial signé avec l’Etat est censé intégrer Sénart à la dynamique du Grand Paris. Il est fléché Logistique et éco activités, intégrant de nouveau la perspective de la gare TGV à Moissy-Cramayel. Mais ce projet de gare TGV, décidément un serpent de mer, est rapidement renvoyé aux calendes grecques par l’Etat, réduisant ainsi à néant les projets des élus sénartais de grand pôle d’activités multimodales.

Au final, la logistique XXL (avec le navire amiral de 200 hectares du Parc A5 et tous les autres parcs le long de la francilienne) reste l’activité dominante dont Sénart à le plus grand mal à maîtriser les effets pervers.

Sénart reste donc une ville « nouvelle » dortoir, où les habitants restent encore trop tributaires de leur voiture pour leur vie quotidienne, de transports en commun aléatoires pour exercer ailleurs des emplois que beaucoup ne trouvent pas assez sur place.

Le destin de Sénart est maintenant dans les mains de la nouvelle agglomération Grand Paris Sud issue de la fusion avec les agglos de Corbeil, Evry, etc. Le rôle de l’Etablissement Public d’Aménagement de Sénart étant de plus en plus discuté.