Fifi, une tranche de vie

Fifi, une (petite) tranche de vie

Six heures du matin. La nuit noire est contrariée par les enseignes lumineuses des magasins.

Le réveil gueule et Fifi a tous les matins cette impression étrange d’être attaché sur les rails et qu’un train va l’écraser.

Fifi saute, en sueur, du lit et prend une très courte douche car il a été sensibilisé par une émission à la radio sur le problème de l’eau.

Souvent d’ailleurs en riant, il dit à ses copains : « L’eau ce sera bientôt comme un lingot d’or, la même forme, glacé, très cher ! ».

Après un petit déjeuner rapide, trop rapide, sur le bout de la table, il s’habille, embrasse avec le sourire, ses enfants et sa femme qui dorment encore et file à sa voiture.

Sa voiture est un modèle diesel vieux de treize ans. Fifi est souvent tracassé par son tacot, vieux, trop vieux, car il sait qu’il émet des particules fines, mauvaises, très mauvaises pour sa progéniture, sa femme, pour tout le monde d’ailleurs. Et on en entend parler !

Il aimerait bien changer mais il n’en a pas les moyens surtout qu’il lui faudrait une voiture aussi grande que celle qu’il possède.

Il est souvent en colère contre le manque de transports en commun et se rend compte que cette réalité n’est pas nouvelle !

Il sait que tout cela contribue à une mauvaise qualité de l’air et au changement climatique.

Il s’inquiète aussi de l’isolation thermique de son logement et il trouve la facture d’énergie salée.

Si Fifi a peu de moyens, il est un citoyen convaincu, informé, avec des idées sur ces sujets. Il en parle parfois avec des collègues au moment du déjeuner et sent bien que chacun a des idées mais qu’elles n’ont pas de débouché.

Il a entendu parler d’un PCAET sur l’agglomération.

Que voulait dire PCAET ? Un parti politique ? PC … ? Un Plan oui mais de quoi ? Pour Extra-Terrestre ?

Il a du mal à comprendre car aucun article dans le journal de l’agglomération n’a vraiment expliqué ce que c’était et comment chacun était concerné dans sa vie quotidienne, comment il pourrait intervenir.

Un copain lui a dit qu’on en parlait sur Internet mais que c’était juste de l’affichage pour donner un vernis « démocratique » à la démarche, quelques questions « impasses » dont on ne publierait jamais les réponses.

Fifi et ses copains avaient pourtant des questions, des idées. Pourquoi n’y avait-il pas de débats dans la commune, à l’agglomération ?

Il rageait car il pensait que lui et ses copains étaient aussi des acteurs du changement climatique. Et que les enjeux pour ses enfants, leurs enfants étaient fondamentaux.

Il pensait aussi à tous ceux qui n’étaient pas informés.

Pour oublier Fifi faisait un rêve : un voyage au Brésil : Brasilia, Sao Paulo, Salvador da Bahia, Rio de Janeiro, …

Pendant ce temps, quelques dizaines de personnes sur plus de trois cent trente mille élaboraient entre elles un PCEAT sans espoir de dynamique collective et citoyenne.

Parfois Fifi s’interrogeait : « Ce sont « des responsables », vraiment ? Pourtant les enjeux les dépassent ! Vont-ils comprendre ou nous emmener dans je ne sais quelle galère? »

Ce jour-là, Fifi, juste avant de s’endormir se rappelle cette citation d’Antoine de Saint Exupéry dans ses écrits de guerre: « Une démocratie doit être une fraternité ; sinon, c'est une imposture. ».

Demain matin, FIfi se réveillera encore attaché sur les rails et n’aura toujours pas de transports en commun pour aller au travail.

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