Elections locales et politique communautaire

Bilan des réponses reçues à notre questionnaire

71 listes se présentaient le 15 mars dernier lors du 1er tour des municipales aux suffrages des électeurs des 23 communes de l’Agglomération Grand Paris Sud, dont 48 en Essonne et 23 en Seine-et-Marne.

Notre questionnaire a été adressé à l’ensemble de ces listes. Nous avons reçu sept réponses, dont vous pouvez trouver l’intégralité sur notre site internet : http://gpse.emonsite.com/

  • Mieux vivre à Vert-Saint-Denis (E. Lorion)
  • Nouveau départ pour Cesson (C. Bosquillon)
  • Lieusaint 2020-2026 (M. Bisson)
  • On est ensemble (S. Beaudet) Evry-Courcouronnes
  • Ensemble (A. Auzet), Réau
  • Engagés pour Etiolles (A. Duriez)
  • Agissons citoyens (S. Benamara), Evry-Courcouronnes

Le nombre de retours est très modeste, très représentatif de la place infime occupée par les questions communautaires dans la campagne du premier tour des municipales.

Une observation transversale des programmes des divers candidats, affichés sur leurs sites Internet et documents de campagne indique d’ailleurs une proportion semblable (environ 10%) qui ont traité ce sujet. Le président sortant de l’agglomération (M. Bisson) et le 1er vice-président (S. Beaudet) ont quand même fait l’effort de répondre à notre questionnaire, ce qui nous laisse à penser qu’il n’était pas inutile, étant donné l’absence quasi générale de la dimension communautaire dans les bilans des mandats s’achevant et les programmes présentés pour la prochaine mandature.

Nous laissons les habitants juges de la qualité des réponses que nous avons reçues. Plusieurs remarques cependant :

  • Les réponses ne comportent pas seulement des constats, mais aussi parfois des pistes, voire des engagements pour le prochain mandat « faire de la transition sociale et écologique le logiciel de gestion de nos politiques publiques… ». Le contenu de ces réponses n’est donc pas à ranger après la campagne, dans un tiroir à oublier pendant les 6 ans à venir, mais à garder en mémoire pendant le nouveau mandat, pour contredire le fameux adage qui assure que « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent » !
  • Plusieurs réponses font état de la jeunesse de l’agglomération Grand Paris Sud (créée début 2016) pour justifier l’absence ou la modestie d’un bilan de l’action communautaire pendant la campagne. L’exécutif et le Conseil de la communauté d’agglomération ont quand même disposé de 4 ans pour déployer leur action, cela aurait mérité un bilan transitoire présenté aux habitants à l’occasion de cette campagne, intitulée officiellement, rappelons-le, « élections municipales ET communautaires » … Force est de constater que l’agglomération ne l’a pas fait et les candidats quasiment pas.
  • Notre questionnaire était centré sur l’action communautaire, tout en laissant la possibilité de répondre aux questions au niveau communal. Il est clair que les candidats sont plus à l’aise pour répondre pour leur commune, l’action communautaire ne semblant parfois les concerner qu’indirectement. Rappelons toutefois que les conseillers communautaires sont aussi en même temps conseillers municipaux, la main gauche peut-elle ne pas savoir ce que fait la main droite ?

Politique d’agglomération et démocratie

D’aucuns parmi les candidats élus par ailleurs, (parmi les villes les plus peuplées) auraient estimé notre questionnaire trop « intello » pour se dispenser ainsi d’y répondre. Nos questions concernaient pourtant des sujets très concrets, tels que la gestion des déchets, le service de l’eau, les transports en commun, les économies d’énergie, etc. autant de sujets liés à la transition sociale et écologique.

Tous ces sujets sont de la compétence directe de l’agglomération sur l’ensemble des vingt-trois communes de son territoire. Les électeurs ont été appelés à désigner des conseillers communautaires (clairement fléchés ainsi sur les bulletins de vote), chargés de mettre en œuvre la politique communautaire sur tous ces sujets cités plus haut, qui concernent le quotidien de tous les habitants de l’agglomération.

Où est le bilan du Conseil communautaire sortant sur ces questions où est le programme d’actions pour le mandat à venir que sollicitaient ces candidats ? Nulle part !

Prenons l’exemple du service de l’eau : le mode de gestion et la désignation des opérateurs (Véolia, régie municipale, etc.) est différent au sein des 23 communes, héritage des anciennes agglomérations qui ont constitué Grand Paris Sud. Comment les usagers sont-ils informés de cette situation, quelles doivent être les orientations futures de l’agglomération en la matière, nul ne le sait en dehors des initiés ! Il existe bien une Commission consultative des services publics locaux de l’agglomération, au sein de laquelle ces sujets sont débattus, mais les enjeux et les choix ne sont pas partagés avec les habitants.

Faut-il rappeler que les habitants payent des impôts locaux, taxe d’habitation, taxe d’enlèvement des ordures ménagères, factures d’eau, etc., tous prélèvements destinés au financement des services publics locaux cités, sous la responsabilité de l’agglomération, et qu’ils n’ont que très peu en retour d’informations, encore moins de consultations sur les engagements pris en leurs noms par les élus qu’ils ont mandaté lors des élections ?

Il y a donc bien un déficit démocratique profond sur ces questions essentielles au niveau de l’agglomération. Où se règlent les différents éventuels de points de vue ? Dans les discussions de couloirs entre amis, en fonction de rapports de force entre communes, en dehors du regard des habitants et néanmoins électeurs ? Dans la plupart des conseils municipaux, il existe une majorité et une minorité, au niveau communautaire, cette distinction disparait comme par enchantement, remplacée par un arrangement entre communes (23) qui se répartissent à l’amiable les postes de président et vice-présidents (16) et délégués (20) dans un Conseil communautaire de 76 membres.

Il ne s’agit pas de reproduire nécessairement au niveau communautaire les clivages, parfois factices existant au niveau communal, mais au moins d’avoir le minimum de respect attendu de la part des habitants/usagers/contribuables, en leur présentant un état détaillé de l’action communautaire menée en leur nom. C’est un défi démocratique majeur pour la crédibilité des politiques locales, il n’est pas tenu pour l’instant, c’est à tous les élus de le relever !

Elections municipales / communautaires et représentativité

Ce défi démocratique est d’autant plus important à relever, que le premier tour des élections municipales le 15 mars, s’est déroulé dans des conditions de participation exécrables, comme le montre hélas le tableau suivant :

Communes GPS

Nb. de listes

Candidats élus

Exprimés

Abstentions

 

Lieusaint

1

M. Bisson

100%

74,96%

Réau

1

A. Auzet

100%

66,22%

Soisy-sur-Seine

1

JB. Rousseau

100%

60%

Tigery

1

G. Dupont

100%

65%

Saint Germain les Corbeil

2

Y. Petel

83%

64%

Nandy

2

R. Réthoré

77,31%

63,71%

Etiolles

2

A. Duriez

68%

52%

Cesson

2

O. Chaplet

66,17%

56,94%

Villabé

2

K. Dirat

61%

55%

Le Coudray-Monceau

2

A. Gros

55%

51%

Evry-Courcouronnes

4

S. Beaudet

54,78%

72,89%

Combs-la-Ville

3

G. Geofroy

53,61%

66,54%

Savigny-le-Temple

4

ML. Pichery

52,83%

68%

Moissy-Cramayel

5

L. Magne

50,66%

61,78%

Grigny

5

P. Rio

50,33%

67,6%

Ris-Orangis

4

S. Raffalli

50,06%

67%

Morsang sur Seine

 

T. Gauttier

73,07%

42.89%

 

 

 

 

 

Corbeil

6

 

Ballotage

68,92%

Vert-Saint-Denis

5

 

Ballotage

63,29%

Lisses

4

 

Ballotage

58,23%

Saint Pierre du Perray

6

 

Ballotage

57,71%

Bondoufle

3

 

Ballotage

54,97%

Saintry

5

 

Ballotage

51,89%

 

 

Les taux d’abstention record observés lors de ce premier tour des municipales posent un problème de légitimité des conseils élus. On a attribué cette abstention très élevée au fait que les séniors auraient craint de sortir de chez eux. Au même moment, en ce jour ensoleillé, les parcs et jardins étaient très fréquentés. Est-ce à dire que les élections ne concerneraient que les plus de 60 ans ?

En réalité, l’abstention est un problème politique récurrent, les conditions particulières de ce 1er tour n’ont fait que l’exacerber. Au final, c’est la représentativité des Conseils municipaux élus qui est encore plus fragilisée. Trois exemples de communes parmi les plus peuplées de Grand Paris Sud où les conseils ont été élus dès le 1er tour suffisent à le montrer :

  • Dans la commune d’Evry-Courcouronnes (cf. tableau ci-dessus), la liste élue a obtenu 54,78% des suffrages exprimés. Le taux d’abstention a été de 72,89%. Si l’on rapporte le nombre de voix obtenues par la liste élue (4661) au nombre des inscrits sur la liste électorale (32790), le nombre de suffrages obtenu par liste majoritaire au nouveau conseil municipal représente donc 14% de l’ensemble des inscrits…
  • Dans la commune de Savigny-le-Temple, la liste élue a obtenu 52,83% des suffrages exprimés. Le taux d’abstention a été de 68%. Si l’on rapporte le nombre de voix obtenues par la liste élue (2764) au nombre des inscrits sur la liste électorale (17389), la liste majoritaire au nouveau conseil municipal représente 15,89% des inscrits…
  • Enfin, pour faire bonne mesure, citons le cas de Lieusaint, où le candidat élu (par ailleurs président sortant de l’agglomération) étant le seul à se présenter, a recueilli mathématiquement 100% des exprimés, mais seulement 22% des inscrits sur sa commune…

La légalité des conseils élus au premier tour n’est cependant pas en cause, le Conseil constitutionnel l’a confirmé. La légitimité politique, en termes de représentativité, c’est autre chose, il est patent qu’elle est fragilisée quand les deux-tiers ou les trois-quarts des électeurs se sont abstenus…

Le maire d’Evry-Courcouronnes, S. Beaudet, le reconnaissait lui-même dans une interview au Parisien le lendemain du vote : « Je fais partie de ceux qui ont eu, d'une certaine manière, la chance d'avoir été élu au premier tour. Mais j'ai été aussi « très mal élu » à cause du maintien de ce premier tour. Il y a eu une abstention considérable ». Il se déclarait même prêt à devoir refaire un nouveau premier tour… Le Conseil constitutionnel et le gouvernement en ont décidé autrement, les conseils élus le 15 mars ont été installés fin mai, dont acte.

Cette situation politique inédite devrait inciter cependant les nouveaux exécutifs municipaux et d’agglomération à une plus grande modestie ainsi qu’à associer beaucoup plus les habitants, dans la réflexion et les choix opérés au cours de ce nouveau mandat, lesquels habitants ayant de plus en plus l’impression d’être les prisonniers invisibles d’un jeu se déroulant par-dessus leur tête.